Emy Meanning |Terminé|

Mes doigts tapaient la table à laquelle j’étais assise à intervalle régulier, tandis que je me rongeais avec insistance l’ongle de l’indexe de mon autre main. Je n’arrivais pas à rester en place. Je ne cessais de regarder ma montre, de jeter des coups d’œil en direction de la porte. Il était en retard, et ça ne lui ressemblait tellement pas que je ne pouvais qu’en être inquiète. Depuis un an que je le connaissais, il n’avait jamais été en retard à l’un de nos rendez-vous, il était même toujours le premier sur place, même lorsque j’étais en avance, il était là à attendre. Alors je trouvais ça réellement étrange. J’étais du genre à m’angoisser pour pas grand-chose lorsqu’il s’agissait de mes proches, des gens que j’aimais. J’étais même excessive parait-il. Aussi je tentais de relativiser. Peut-être avait-il eu un empêchement de dernière minute. Non, il m’aurait prévenu dans ce cas… Alors, peut-être avait-il trouvé une fille à qui faire du charme. Je soupirais en l’imaginant en pleine séance de drague intensive. Si c’était ça, il allait m’entendre ! Mais je ne pouvais pas me brosser ce simple tableau alors qu’au fond, je savais qu’il ne m’aurait pas laissé seule, alors que nous devions nous retrouver, juste pour charmer une fille de plus.

Je me quittais de mon siège, jugeant qu’une heure de retard était suffisante pour justifier un coup de fil. Je sortais du bar par la porte arrière cherchant à m’isoler du brouhaha ambiant, tout en cherchant dans mon répertoire le numéro de mon plus proche ami – alors qu’il était dans ma liste des derniers appels, suis-je bête. En y pensant, c’était étrange de qualifier Ethanyel d’ami, en fait, je n’aurais tout simplement pas cru, un an auparavant, que nous serions proches au point de nous voir aussi régulièrement. Lorsque je l’ai rencontré, dans le bar où je travaillais à l’époque, il avait été aussi peu subtil que n’importe quel autre en m’abordant, et je lui ai servi la même réponse qu’à un autre justement. Non, merci. Mais il m’avait tout de même attendu à la sortie de mon travail, me donnant tout de suite comme opinion qu’il était soit obstiné, soit collant. J’ai de nouveau refusé de l’accompagner. J’étais quelque peu méfiante, du moins j’essayais de l’être comme on avait tenté de me l’apprendre à l’orphelinat où j’ai grandi. Déjà petite, j’avais tendance à faire trop facilement confiance. Aussi, un jour, alors que j’avais échappé à la surveillance d’une des adultes nous encadrants, je suis tombée sur un homme. A l’époque je n’ai pas vu le mal, mais quelques années après, je comprenais pourquoi je m’étais faite disputer en rentrant. J’ai eu de la chance de tomber sur un homme aux bonnes intentions et pas sur quelconque détraqué. A présent, j’essayais de me montrer plus méfiante envers les gens dont je ne connaissais rien – même si j’avais très vite tendance à accorder ma confiance à n’importe qui. Mais Ethanyel s’était montré persistant. Venant, chaque soir au bar, jusqu’à ce que je cède. Et je ne le regrettais pas. Il s’est avéré qu’il n’était ni un détraqué voulant m’égorger, ni un simple type désirant seulement me sauter. Il voulait juste… qu’on soit amis, ce que nous étions devenus, assez facilement. J’avais d’ailleurs tendance à me reposer sur lui. Je savais que si j’avais le moindre souci, je pouvais l’appeler à n’importe quelle heure de la nuit. De la nuit seulement. Le jour, son travail lui prenait tout son temps, tellement, qu’il ne pouvait même pas m’accorder un simple déjeuner. C’était du moins ce qu’il prétendait. Pourquoi aurais-je remis sa parole en cause ? Il ne m’avait jamais donné de raison de douter de lui.

Je fis trois pas dans la ruelle derrière le bar, la lourde porte se refermant d’elle-même derrière moi. Je portais cette fois fois-ci mon pouce à ma bouche pour en torturer l’ongle, mon indexe ayant assez souffert, tandis que le tonalité à l’autre bout, me faisait de moins en moins espérer une quelconque réponse. Comme je m’y attendais, son répondeur se déclancha face à mon insistance, et je m’efforçais de lui laisser un message. J’ai toujours eu horreur de faire ça, je ne sais jamais quoi dire et j’ai l’impression d’être stupide. D’ailleurs, je bafouillais un peu lorsque je l’informais que je l’attendais toujours et que je m’inquiétais de son retard et du fait qu’il ne soit pas joignable. Je terminais néanmoins sur une note moins dramatique en lui disant que si c’était une histoire de fille, je lui filerais la raclée de sa vie. Je raccrochais tout en soupirant et faisais volte-face pour retourner dans le bar, mais au lieu de ça, je poussais un cri entre surprise et panique. Face à moi, un homme se tenant si près que son souffle venait se buter contre mon visage. Son air débraillé, ses pupilles dilatées m’apprenant sa condition de drogué, et ses membres tremblants comme s’il n’était pas sûr lui-même de ce qu’il faisait, eurent raison d’achever un quelconque sentiment de sécurité. Je n’eu d’ailleurs pas besoin de baiser les yeux pour savoir ce qui appuyer fortement contre mon abdomen. S’était-il déjà servi d’une arme auparavant ? Au vu de son comportement plus qu’hésitant, je penchais pour une réponse négative, ce qui était encore moins rassurant, si c’était possible. J’obtempérais sans broncher lorsqu’il se mit à réclamer mon sac. Je n’allais pas me faire tuer pour de malheureux papier et quelques billets. Ce fut aussi l’une des raisons qui fit que je ne cherchais pas à crier pour qu’on vienne à mon aide. Le boucan dans le bar ne laisserait pas passer le son de ma voix et même si c’était le cas, le temps qu’on arrive, il aurait eu tout le loisir de me tirer dessus et de prendre la fuite. Je ne suis peut-être pas toujours des plus réfléchis, et un peu trop impulsive parfois, mais je ne suis pas non plus complètement stupide.

J’espérais qu’en me tenant tranquille et en obéissant sagement, tout se passerait… bien. Qu’il s’en irait avec son butin et me laisserait tremblante et quelque peu sous le choc. Mais il faut croire que les choses n’étaient pas faites pour se terminer ainsi. Tandis que je lui tendais mon téléphone, dernier objet de valeur en ma possession, et que la tension régnant était à couper au couteau, autant des deux côtés, mon cellulaire s’offrir le luxe de sonner. Tendue et stressée, je sursautait violemment à ce son inattendu. Mon agresseur devait sûrement être dans le même état que moi puisque sa réaction se calqua à la mienne, avant qu’un autre bruit retentisse dans la ruelle déserte, suivie d’une douleur fulgurante se répandant dans mon ventre. Je le vis écarquiller les yeux alors que je portais mes mains là où la douleur était la plus vive, et lorsque je les remontais à niveau de mes yeux, je pu les voir tachées de sang, de mon sang. Mon corps ne me répondant plus, je tombais à genoux, tandis qu’il prenait la fuite rapidement, du moins je crois, j’avais bien trop mal pour me soucier de ce qu’il faisait ou non. Je tombais pour de bon, m’abandonnant complètement sur le sol. Je n’avais pas la force de crier, ni de me même de ramper pour retourner au moins jusqu’à la porte de service du bar et y cogner jusqu’à ce qu’on me découvre. Je me vidais de mon sang dans cette ruelle sombre sans personne pour me venir en aide. J’allais… mourir. Et ce triste constat me fit sangloter. Je ne voulais pas mourir, encore moins de cette manière. Je voulais vivre, j’avais encore tant de chose à faire, j’en étais persuadée. Je voulais revoir mes amis, le revoir lui.

Je perdais peu à peu tout espoir à mesure que je sentais la vie m’échapper, jusqu’à ce que j’entende un bruit de pas. Et je le vis… ou plutôt je vis ses pieds passer si près de moi que j’aurai pu le toucher en tendant simplement les doigts. Mais mon cas ne sembla pas l’intéresser plus que ça, car il ne s’arrêta pas, il n’eu même pas une hésitation dans sa démarche. Pourtant, je n’allais pas laisser mon unique chance filer ainsi. Sanglotant toujours j’implorais à mi-voix son aide, mais le spectacle de ma fin ne parut pas l’émouvoir outre mesure et il continua sa route, me laissant désespérément seule tandis que je continuais tout de même à demander, supplier inlassablement son secours. Fut-ce cela ou un regain de conscience qui le poussa à faire demi tour ? Je n’en sais toujours rien. Le fait est qu’il revint sur ses pas, se pencha et prit mon corps blessé entre ses bras. J’eu grand mal à voir son visage, ma vue étant bouillée par mes larmes mais aussi la faiblesse m’envahissant irrémédiablement, mais je pus tout de même distinguer ses traits rudes et le puissant charisme qu’il dégageait. Dès lors, je lui fis entièrement confiance, laissant ma vie entre ses mains – qu’aurais-je pu faire d’autre de toute façon ? Si je n’étais plus en mesure de me soucier de la façon dont il allait s’y prendre pour me sauver, je ne m’attendais quand même pas à ressentir cette douleur quasi insoutenable. Moi qui n’avais pourtant pas la force d’hausser la voix quelques instants auparavant, j’hurlais tant je souffrais, bien plus que ce que pouvait me faire endurer cette balle logée dans mon ventre. J’étais sur le point de défaillir lorsque je sentis un liquide épais et chaud couler dans ma bouche. Ecoeurant d’abord, je m’agrippais pourtant bien vite à la source et m’abreuvais, en cherchant davantage. Sur le moment je n’ai pas compris qu’il s’agissait de son poignet et que je buvais… son sang. Me serais-je arrêtée pour autant ? Vu l’état dans lequel j’étais, incapable de réfléchir correctement, d’aligner deux pensées cohérentes, je pense que non. Le suite n’est qu’un flou entre rêve et réalité, où je me souviens seulement de la douleur traversant mon corps se mourrant pour renaître.

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Mes doigts tâtonnent mon cou à l’endroit exacte où Asher à planter ses canines. Trois semaines après, il n’y a plus aucune trace visible de sa morsure. Détaillant ma gorge dans un miroir accroché dans l’un des nombreux couloirs de ma nouvelle demeure, je ne vois rien qui laisse entrevoir qu’il y ait eu un changement en moi. Oui, parce que je peux me regarder dans un miroir, tous les vampires le peuvent. Stupide comme je suis, je croyais qu’il m’en serait impossible. J’ai lu tout un tas de livres sur les vampires – de simples romans – lorsque j’étais humaine et je me suis faite de fausses idées. Par exemple, je ne suis pas devenue plus belle. Ceux qui disent que les vampires sont d’une beauté sans égale exagèrent amplement. Je suis toujours la même, si on exclu mes dents. Je suis égale à moi-même avec mes cheveux mi-longs qui sont toujours châtain clair, mes lèvres pleines, mes traits fins. Si je regrette bien une chose, c’est que mes yeux marron soient toujours aussi désespérément banals, et que je n’ai pas prit un centimètre. Je me suis toujours trouvée trop petite, les gens me dépassent aisément et ils ont tendance à me voir comme une chose fragile de ce fait. C’est assez vexant.

Mais heureusement, peu importe combien ma tête est bourrée d’idées reçues sur les vampires, il y a Asher pour combler mes lacunes. Il est le Maître de la ville et c’est lui qui m’a sauvé cette fameuse nuit. Il m’apprend tout ce que j’ai à savoir sur ma nouvelle vie et je bois chacune de ses paroles avec attention. J’ai le plus grand respect pour lui et je lui suis entièrement dévouée. Qu’importe ce qu’en disent les jaloux et les médisants, c’est un grand vampire, désigné pour faire respecter la loi, il gère la ville d’une main de maître. Ses décisions sont toujours justes, tout à un but et un sens avec lui, il agit dans notre intérêt. Je le suivrais n’importe où sans même poser une question, je lui voue une admiration sans bornes et je courberais volontiers l’échine devant à lui. Ce n’est pas de l’amour bien que ça y ressemble. En réalité je l’aime comme on aimerait un père. Il m’a offert la vie alors que je devais mourir, je lui serais entièrement reconnaissante bien que certain aspect me répugne. Je ne suis pas une ingrate, il y a juste des choses que je n’arrive pas à accepter. Comme le fait de me nourrir de sang, d’humains. L’idée m’est insupportable. La première fois, je ne me suis pas rendue compte de ce que je faisais, après m’être réveillée, j’avais tellement faim… mon instinct a parlé pour moi. Mais ma conscience a eu tôt fait de me rattraper et le poids de la culpabilité m’a pesé lourdement. Je trouve ça répugnant, horrible, monstrueux. Pourtant, je ne considère pas mes congénères de cette manière. C’est juste… moi. Je suis incapable de me faire à ça.

J’ai essayé de me priver de nourriture. Je ne peux me nourrir de rien d’autre et je ne veux pas le faire, alors… mais j’atteins toujours cette limite, ce moment où je pense que je vais soit mourir, soit égorger la première personne à ma portée. Asher a essayé de m’aider, de trouver une solution. Il m’a emmené plusieurs fois au Croquemitaine, pensant que je me sentirais moins coupable en m’abreuvant de personnes consentantes, désirant même ardemment être mordus. Mais quelque chose bloque encore malgré tout et je refuse de mordre, d’utiliser mes crocs, d’infliger la douleur même si elle est agréable. Mon maître n’a pas d’autre choix que de mordre lui-même mes victimes pour que je m’abreuve ensuite. Une fois que le sang coule, ma volonté défaille et je culpabilise bien moins en ne servant pas de mes dents. Cela reste pourtant une épreuve car je n’arrive pas à raisonner ma conscience qui me réprimande à chaque fois. Je culpabilise également d’obliger mon maître à jouer ce petit jeu, surtout qu’il commence à montrer des signes d’impatience, je ne vais pas toujours pouvoir me reposer sur lui. Cet aspect de ma nouvelle vie me pèse terriblement, je pense que si je pouvais revoir mes amis, que je n’ai pas revu depuis ce fameux soir, je me sentirais un peu mieux. Après tout si j’ai souhaité continuer à vivre c’est surtout pour eux, pour lui. Trois semaines que je suis au manoir et je n’ai pas revu Ethayel. J’aimerais lui donner de mes nouvelles, lui dire que je vais bien, et le serrer dans mes bras aussi, parce qu’il me manque… mais je ne quitte quasiment pas le manoir, les seules fois où je suis sortie, c’était avec Asher pour nous rendre au bar. Je n’ose pas encore faire mes premiers pas dehors en tant que vampire, seule. Je crains de commettre un impair sans personne pour me chaperonner, je suis pourtant plus téméraire d’ordinaire.

« Emily »

Je me retourne pour me trouver face à Lucène et je la reprends gentiment, un sourire amical aux lèvres.

« Emy »

Je préfère que l’on me nomme ainsi parce que… j’aime bien tout simplement. Je me présente d’ailleurs ainsi, les gens font d’eux-mêmes la déduction du prénom allant avec ce diminutif. Rares sont ceux me nommant par mon prénom dans son intégralité, accédant toujours à ma requête aimable bien que je ne les force en rien, ce n’est pas une obligation. Lucène, elle, fronce le nez, clairement agacée par mon comportement. Elle n’a pas l’air de me porter dans son cœur et je crois savoir pourquoi…

« Peu importe. Romen veut te voir. »

Elle croise les bras contre sa poitrine et me jauge de haut en bas, se demandant certainement pourquoi il désir s’entretenir avec moi, ou même ce qu’il peut bien me trouver. De mon côté je me tends, soudainement nerveuse. Romen et moi c’est… compliqué. Non, en réalité c’est plus étrange qu’autre chose. Je n’aime pas me retrouver en sa compagnie, encore moins seule, il me met mal à l’aise. Pourtant je ne cherche pas à l’éviter et je ne fuis pas lorsqu’il se retrouve face à moi. Je ne suis pas de ce genre là.
J’hoche simplement la tête pour lui montrer que j’ai compris et je la contourne sous son regard accusateur. Si elle savait à quel point elle n’a pas à s’inquiéter.

Je ne suis qu’à quelques pas des appartements de Romen lorsque la porte s’ouvre et laisse sortir… Ethanyel. Je dois rêver. Je me pince d’ailleurs discrètement pour m’en assurer mais il est toujours là. Ses prunelles sombres se posent sur moi et mon souffle se coupe. Je voudrais courir vers lui, lui sauter littéralement dessus, lui dire qu’il m’a manqué et le serrer dans les bras même si je sais qu’il n’aime pas ça – il se crispe toujours quand je le touche, je crois qu’il n’est pas friand de contact. Mais je suis tellement surprise de le voir ici que j’en reste comme paralysée. Lui aussi semble étonné de me trouver là mais rapidement, je peux lire le soulagement sur son visage. J’imagine qu’il a dû s’inquiéter depuis ma disparition… pourtant un autre sentiment vient déformer ses traits : la colère. Son visage se ferme et je ne comprends pas son attitude. Il se détourne de moi et commence à partir, mais il n’est pas dit que je le laisserais s’en aller de cette manière. Je lui cours après et lui agrippe le bras pour le forcer à me faire face, il me jauge et se défait brutalement de ma prise comme s’il… m’en voulait.

« Reste loin de moi »

Sa voix claque, intraitable, et son regard me glace le sang. Je reste muette face à cette attitude que je ne lui connais pas, et le laisse s’en aller sans essayer de le retenir cette fois, trop chamboulée pour ne serait-ce qu’y penser. Je met un certain temps à retrouver mes esprits tandis que je comprends enfin une chose : S’il est là c’est qu’il… non. C’est impossible ! Ethanyel ? un vampire ? Cette idée refuse de s’ancrer dans mon esprit tandis que je marche en direction de la porte me séparant de Romen. Je suis encore légèrement sonnée lorsque je frappe deux coups et que j’entre.

Je referme la porte derrière moi et balaie la pièce du regard mais je n’y trouve personne. Je ne met guère de temps à comprendre – à sentir – qu’il a fait en sorte de se glisser derrière moi avant même que je n’arrive. Ses bas enlacent étroitement ma taille et son nez se perd dans mes cheveux qu’il hume sans s’en cacher. Je grimace, écoeurer par cette familiarité que je ne lui ai jamais accordé. Je suis pourtant très tactile, j’aime les contacts, mais pas avec lui.

« Tu m’as manqué Emily »

Oui, alors pas moi, mais pas du tout ! Dire que j’avais pensé, en apprenant qu’il est le frère de mon maître, qu’il serait tout autant… merveilleux que lui. Terrible déception. C’est un être arrogant, sans aucune considération pour les autres et surtout, il a des manières de rustres. Mes mains agrippent ses poignets pour essayer de me défaire mais ma poigne est bien faible par rapport à la sienne. Je ne fais que gigoter sans grand succès ce qui a l’air de lui plaire, et il resserre un peu plus ses bras autour de moi.

« Arrête ça Romen. Lucène se fait des idées après, et je n’ai pas envie qu’elle m’en veuille pour rien. »

Il se penche et glisse à mon oreille.

« Qu’est-ce qui est le plus important ? L’amitié de Lucène ou l’attention que je te porte ? » La réponse est toute trouvé, mais il ne me laisse pas vraiment le temps de lui en faire part. D’ailleurs je pense qu’il sait déjà ce que j’allais lui dire, voilà pourquoi il contre attaque aussi rapidement. « Laisse-moi te dire que si c’est la première option, tu n’as vraiment pas le sens des priorités. »

Sale égocentrique ! Mais je me garde bien de l’insulter et je prends sur moi, inspirant profondément, pour le questionner.

« Pourquoi m’as-tu fais venir ? »

Il doit bien y avoir une raison tout de même.

« Parce que j’avais envie de te voir, de sentir ta présence près de moi. »

Ses lèvres glisse jusqu’à mon cou où il dépose un baiser, c’est le geste de trop. Je lui enfonce avec violence mon talon dans le pied – chaussures que je porte principalement pour voler quelques centimètres que Dame Nature m’a toujours refusé – et sous la surprise y comprit la douleur, il relâche sa prise, me permettant de me libérer.

« Si c’est seulement pour de telles idioties, je m’en vais. Je dois retrouver mon maître. »

Oui, mon maître, parce que il est le mien avant d’être celui de tous les autres. Je suis un peu égoïste pour le coup.

« Laisse moi le remplacer. Je suis un bien meilleur professeur que lui. Tu apprendrais beaucoup plus avec moi. »

Sa façon de le susurrer me laisse à penser qu’il ne parle pas du tout du même genre d’enseignement que je suis avec Asher. Mais bien que ma réponse semble évidente, je la confie tout de même. Depuis qu’il sait que toute mon admiration et ma dévotion vont au maître, il ne cesse de me provoquer en le rabaissant constamment face à moi. Cependant il n’est pas tombé sur un caractère facile et quoi qu’il arrive, je défendrais mon maître et son honneur bec et ongles.

« Tu ne lui arrive même pas à la cheville. »

Il ricane, visiblement peu convaincu par mes propos et repart dans sa dépréciassions.

« Ce n’est qu’un moins que rien, si tu savais ma pauvre Emily. Fut un temps où il cirait mes chaussures et tremblait en ma simple présence. »

Je m’approche de lui, plisse les yeux et réponds avec aplomb :

« Mais ce temps est révolu depuis bien longtemps, n’est-ce pas ? Et c’est ça qui t’énerve. Tu es simplement jaloux parce que tu n’es pas assez bien pour ne serait-ce que baiser le sol qu’il foule. »

Je crois que je suis allée trop loin cette fois-ci – bien que je le pense largement. Les traits de Romen se font plus durs et il m’agrippe par les épaules avant de me plaquer avec rudesse contre un mur. Mes yeux s’affolent tandis que je me demande ce qu’il va me faire à présent. Son regard est mauvais et me transperce douloureusement, j’en tremble d’ailleurs. Mais contre toute attente, il me relâche et quitte la pièce sans un mot ni même un dernier regard dans ma direction, me laissant seule avec pour seule pensée que quelque chose dans ce petit jeu qu’il s’amusait à jouer, vient de changer.