Le seul moyen de chasser un démon est parfois de lui céder...[Finish]

Children of revolution

Lorsque la nuit étend son sombre voile, lorsque la lune tient son rôle d’allié dans cette guerre obscure, lorsque les anges dorment bien au chaud au fond de leurs petits lits douillets, moi, je vise et j’abats ma cible sans autre forme de procès….

*Chut…pas un bruit…pas un murmure…Il me fait signe de le suivre. Ce qu’il est lourd ce fusil, plus lourd que je ne le pensai, faire de si longues expéditions ainsi équipée, je ne savais pas à quel point c’était difficile.
J’ai toujours pris cette situation pour un jeu. Lorsque mes frères rentraient à la maison, tout fiers de leurs prises de guerre, je me réjouissais à l’idée de les accompagner un jour. Rester à la maison, préparer les repas, s’occuper du linge, n’avait rien de réjouissant, j’étais une femme à douze ans, une prédatrice à quatorze…
Les battements de mon cœur s’accélèrent, je ne bouge plus, telle une statue ma silhouette se découpe dans la nuit et chaque craquement de branches voisines, chaque bruissement autour de moi me rendent plus tremblante encore. Je n’ai pas peur, pas vraiment, je suis plutôt excitée, l’adrénaline est mon moteur, elle seule me permet de ne pas déguerpir, d’affronter le danger en face, ce danger invisible qui rode autour de moi, qui me frôle, qui me nargue. Je serais précise père, je le jure ! Derrière ce buisson, j’attends, mon mentor est là, à quelques pas de moi, debout, totalement à découvert, ce soir, c’est lui qui servira d’appât! Jack et Nick ne sont pas loin, je sens leur présence, elle m‘apaise, me rend confiante…Quand à Daniel? Il pose des pièges un peu plus au sud, c’est notre destination, on doit rabattre cette chose vers le sud afin de l’éliminer en bonne et due forme.
Tout devient étrangement silencieux, comme si la foret elle-même venait de suspendre sa croissance, comme si la vie qu’elle portait se taisait pour mieux m’aider, tout jouait en notre faveur.
C’est à ce moment là que je la vis ! Cette bête énorme, plus grosse que trois molosses réunis, une mâchoire à n’en plus finir et des yeux de tueur sanguinaire…. Le loup garou sortait de sa tanière et allait attaquer mon père.
Elle se rapproche à vitesse grand V, c’est inhumain, surnaturel, j’ai peur mais je ne fléchis pas, je reste concentrée, hors de question que je loupe ma cible, la vie de mon père est en jeu. Je respire tranquillement, comme ils me l’ont appris, mon doigt sur la détente, je fixe ma proie, je la verrouille et je tire…une fois, deux fois, trois fois, on est jamais trop prudent. Trois décharges de chevrotine en pleine poitrine, la bête pousse un crie de détresse et tombe, battue par une fillette de quatorze ans. Cette nuit là, les pièges n’auront servis à rien, il parait que suis douée pour tuer...*

Si mon histoire peut vous paraitre irréelle, c’est pourtant celle que je vis depuis ma plus tendre enfance. Vous l’aurez compris, ma famille n’a rien de banale, en effet, nous sommes chasseurs de primes et nous n‘avons pas froid aux yeux !!

L’Australie, c’est ma terre natale, j’y ai vécu jusqu’à mes quatre ans et si cette date me parait bien floue, elle ne l’est pas dans la mémoire de mon père et dans celles mes trois frères ainés.
Nathalia? Ah, ça c’est le nom de ma mère, une femme sublime parait-il, gracieuse et raffinée, d’origine anglaise, je me suis toujours demandée comment elle avait pu épouser mon sauvage de père. Je ne lui ressemble pas beaucoup en vérité, c’est Nick qui a hérité de ses traits si fins, c’est pour ça que mon père a toujours beaucoup de mal à le regarder en face, quand il sourit, c’est le portrait craché de ma défunte mère...Défunte, oui, le premier décès qui s’abattit sur ma famille, le premier avant une longue descente en enfer.

Les circonstances de sa mort nous ont précipité dans un nouveau monde, un monde connu de très peu d’humains, celui du surnaturel. C’est un vampire qui a arraché ma mère à la vie, qu’importe ce que pouvaient dire les autorités, les preuves étaient évidentes mais cette vérité paraissait bien trop effrayante, impossible à concevoir, une histoire de vampires, il fallait être un illuminé pour croire à ces choses là...Mon père n’avait rien d’un illuminé, c’était un ancien marines qui avait servi pendant dix ans son pays, il a combattu de nombreux ennemis de la nation, c’était un homme d’ordre et d’honneur, pas un illuminé, loin de là.
Il passa des mois sur cette hypothèse inconcevable, celle de l’existence de vampires dans notre monde...Et il se rendit à l’évidence, ils existaient ! Comment pouvait-on être aussi aveugle? Pourquoi les gens refusaient de voir ce qui semblait plus qu’évident? Il réunit de nombreux témoignages à travers la planète, et tout ce qui aurait pu passer pour des histoires à dormir debout ouvrait davantage les yeux à mon géniteur...Fou de chagrin, pour combler le désespoir de cette perte inestimable, celle de la femme de sa vie, il décida de traquer ces créatures de la nuit, ces monstres assoiffés de sang, il devint chasseur de tête et entraina sa progéniture avec lui.
« Où que vous soyez dans le monde, si une créature surnaturelles a tué un être cher ou si les circonstances de sa mort vous semble suspectes, nous sommes là pour enquêter et éliminer son meurtrier contre rémunération...nous n’acceptons pas les tickets restaurant !» Telle était l’annonce diffusée dans les journaux ou internet. Évidemment, on passait pour des fous, des « gostbusters » farfelues, pourtant, jamais notre commerce ne fit faillite, il y avait toujours des gens pour douter, pour croire qu’il était possible peut-être qu‘il existe quelque part...etc...Bha, y'en a bien qui croient aux extra-terrestres...
Évidemment, je me souviens de quelques démêlés avec le Directoire, cette pseudo organisation sensée contrôler la bonne entente entre les monstres et les humains. Pour mon père, les humains pouvaient se débrouiller seuls, ils n’avaient pas besoin de cette secte dont les rangs étaient bondés de créatures plus extraordinaires les unes que les autres. Notre petit commerce les dérangeait, il était prohibé puisque mettant en danger tout ce pourquoi ils se battaient, pour faire taire les tensions, nous passâmes plusieurs accords avec eux, remplis de clauses de confidentialités bien évidemment.

Si j’ai eu une vie avant la traque, je ne m’en souviens pas...Jusqu’à mes quatorze ans, je n’avais pas le droit de sortir sans être accompagnée de mes frères, étant la seule fille de la famille, ils me protégeaient plus que nécessaire, j’avais pourtant déjà un caractère insouciant, casse-cou et surtout aucune pudeur, il faut bien l’avouer, je me suis toujours comportée comme un mec, et si mon prénom me va si bien c’est tout simplement parce qu’aucune autre fille un tant soit peu féminine ne pourrait s’appeler Joe.

- Joli tir Joe ! Évites de trembler comme une feuille la prochaine fois, gamine!

Ce bâtard , c’est Jack, de neuf ans mon ainé, il a exactement le même caractère que mon père, il m’a toujours filé les pires corvées, lorsque le paternel était absent, c’est lui qui reprenait le flambeau et il ne nous faisait pas de cadeaux...Il n’empêche que j’ai toujours pu compter sur lui, j’ai toujours eu ce sentiment affreux à son égard, celui de lui avoir volé une partie de son enfance, plus qu’un grand frère j’ai trouvé en lui un second père, les malheurs qui se sont abattus sur notre famille nous ont séparé, d’après ce que je sais aujourd’hui, il est détenu quelque part en Russie, son gout prononcé pour les jeux d’argents et l’alcool l’ont mené à croupir au fond d’une cellule, si seulement je pouvais l’en sortir...

- Tu aurais pu attendre un peu avant de tout dégommer, j’ai posé tous ces pièges pour rien ! Mais sinon, bon travail G.I.Joe !

Un léger sourire, un air arrogant et frimeur, ses jolis yeux bleus cachés derrières une fine paire de lunettes, c’est Daniel, le second fils Preston, le «cerveau de l’équipe. » Daniel a toujours été un peu réservé à mes côtés, contrairement aux autres, nous n’avons jamais eu besoin de nous prouver notre amour, un simple regard, un sourire confiant et tout était dit. Son intelligence nous a sorti de bien des situations, je crois sincèrement que sans lui, on n’aurait pas fait long feu...Il a été le premier à différencier nos proies, pour lui, rien n’était tout noir ou tout blanc comme notre père semblait le croire, il existait de bons vampires, des loup garous qui tentaient de vivre aux côtés d’humains, des humains épris d’une de ces créatures, de vampires prés à se sacrifier pour les protéger etc…La diversité des situations et la possibilité que finalement ces monstres aient un cœur fut un sujet de discorde entre mon père et lui, c’est ainsi qu’à son vingt et unième anniversaire, il nous quitta et devint membre du directoire. Ce fut une véritable trahison pour nous tous, même si je comprends aujourd’hui les raisons qui l’ont poussé à ce choix, j’ai fais le même ou presque...


- T’es la meilleure sœurette ! T’as un don, c’est sur…

Nick, mon cher frère, ses lèvres avaient toujours le gout du miel lorsqu’il m’embrassait en toute innocence, cet ange blond, il me manque tellement aujourd’hui. Seules deux années nous séparaient, il était le frère avec qui j’étais le plus proche, le premier à m’encourager, c’était mon sang, ma raison et mon cœur, mais je l’ai perdu...Il y a maintenant deux ans que le drame s’est produit, au cours d’une traque, nous furent surpris par le nombre de nos proies, il n’y avait pas un vampire mais tout un clan…Jack et moi furent les deux seuls rescapés, mon père se fit tuer en tentant de protéger Nick, je les perdis tous les deux…

Dix neuf ans, c’est mon âge aujourd’hui, ma famille ne se résume plus à grand-chose, l’âge d’or des Preston est révolue, je continue pourtant la traque, seule, je refuse les propositions du Directoire, par principe, par respect pour mon défunt père et ses convictions à deux balles...Je suis bornée tout comme lui, je suis imprudente également mais j’ai très vite compris que la vie ne valait pas grand-chose, c’est désespérant certes, mais je n’ai plus peur de la mort, elle m’a frôlé bien des fois, je crois même être du genre suicidaire, cherchant le doux gout du risque et de l’aventure partout où je passe. Une baston ? Une course de moto ? Une chasse au clair de lune? Plus rien ne m'arrête...
Les hommes de ma vie me manquent affreusement mais j’avance malgré tout, entre les ronces de ce foutu destin. Je me fais de l’argent comme je peux, j’erre ci et là, entre deux contrats. Il y a ce sentiment d’inachevé qui me saisit aux tripes parfois, le sentiment d’être incomplète comme une arme qu’on aurait laissé à l’abandon, un soldat surentrainé pour rien…Mais je m’accroche, mon naturel optimiste et rêveur me poussent vers l’avant, j’achèverai le travail de mon père en éliminant le meurtrier de ma mère.

Cela fait maintenant un an que je suis à Londres, je n’ai plus le temps de quitter cette ville, trop de créatures s’y aventurent et certaines n’hésitent pas à tuer de pauvres humains juste pour le plaisir de tuer, en bon chasseur que je suis, je fais régner ma propre justice. Mais j’ai également mieux compris les idées de Daniel, je me suis attachée à certaines de ces créatures surnaturelles, nous sommes devenues amies, "mes monstrueux amis" et tant qu’ils ne sont pas sur ma liste, rien ne m’empêche de les apprécier !

Ah, autre chose, Nick avait raison, j’ai un don, Londres m’a appris une chose fondamentale sur mes capacités, outre le fait que je sois particulièrement chiante pour certains, je peux sentir le surnaturel à vingt kilomètres à la ronde, tout s’explique ! Voilà pourquoi j'étais si douée, aucun vampire ou loup-garous ne peut m'avoir, je sais les reconnaitre ! Tu vois papa, finalement, je suis un monstre, moi aussi !